Interview Comment voyageait-on à l’époque gallo-romaine ? Les Gaulois étaient de grands constructeurs de véhicules très appréciés dans le monde romain. On trouvait de tout, depuis le petit cabriolet léger jusqu’au lourd chariot de transport : carruca, carpentum, cisium, essedum, plaustrum, grands ou petits, couverts ou non, à deux ou quatre roues. Les Romains ont établi un réseau de belles routes, soit en perçant de nouvelles, soit en reprenant les voies de circulation gauloises. Ils les jalonnaient de bornes qui indiquaient la distance jusqu’à la grande ville suivante. les distances étaient indiquées en milles romains ou en lieues gauloises. On pouvait s’arrêter dans une mutatio, tous les 10 ou 15 Kms, pour changer d’attelage ou bien dans une mansio qui, tous les 30 à 50 Kms, proposait en plus une hôtellerie et un atelier de réparation. On a retrouvé des chopes indiquant des itinéraires, comme celle que Julius prête à Celtill. Sur quoi s'appuie votre description des villes ? Sur les découvertes archéologiques les plus récentes - mais l'archéologie nous réserve sans cesse des surprises... Fanum Martis est probablement Corseul (Côtes-d’Armor), car ce nom signifie “Temple de Mars” et qu’on a retrouvé tout près les ruines d’un temple immense dont on peut encore voir aujourd’hui une partie de l'enceinte et une tour très connue : le reste de la cella. On a mis au jour une partie de la ville autour de ce qu’on pense être le decumanus maximus (une des rues principales), où l’on distingue la basilique, les puits, la placette et le passage au fond duquel je situe l’échoppe du cordonnier. On a aussi découvert de nombreux objets gallo-romains, par exemple une poterie du début du 1er siècle venant d’Italie et signée Ateius, des statuettes de Vénus et de déesse-mère, des stèles funéraires comme celles que Celtill aperçoit au cimetière. Pour mon roman, je fais mon régal de tous ces objets. Noviodunum est une forteresse (dunum) neuve (novio). Elle est sortie de terre au début de notre ère et était en pleine expansion en 67, lors de la visite de Celtill. Aujourd’hui, elle s’appelle Jublains (Mayenne) et n’occupe plus qu’une petite partie du site gallo-romain, ce qui a permis, par des fouilles, de mettre au jour la ville ancienne. On distingue encore le tracé des rues, les thermes, le temple, le théâtre… Les thermes sont visibles de l'intérieur de l'église qui, comme cela a souvent été le cas, s'est édifiée au-dessus. Le temple a été construit sur un ancien sanctuaire gaulois entre les années 65 et 68. On y a retrouvé une statue de déesse-mère, des morceaux de peintures murales, en particulier des oiseaux sur fond noir, des offrandes et, près du portique sud, une pièce de monnaie - un as (qui jouera un rôle dans mon histoire) - datant de l’empereur Néron. Le théâtre est bien conservé, et recelait la pierre de dédicace que Celtill y voit. Là aussi, on a trouvé de très nombreux objets, comme le poignard à manche de cheval qu’Audax prête à Celtill. La tête barbue du cimetière est devenue le symbole de la vieille cité. On pense qu’il s’agit du dieu Océan. Vous parlez de tironien... On dirait de la sténographie C'est son ancêtre, une forme d’écriture abrégée inventée par Tiron, secrétaire de Cicéron. L'empereur Néron a-t-il réellement tué Britannicus ? C’est ce que nous disent les historiens anciens. Cela n’aurait rien d’étonnant, car Néron a systématiquement éliminé par le crime tous les gêneurs, à commencer par sa femme Octavie (sœur de Britannicus) et sa mère Agrippine - qui l’avait pourtant mis le trône après avoir empoisonné pour cela son mari, l'empereur Claude. Pourtant, Néron n’avait aucun titre à devenir empereur, il n'avait aucun lien de parenté avec Claude : il n'était que le fils de sa seconde femme. C'est Britannicus, le fils de Claude, qui aurait dû prendre le pouvoir. Que se passait-il dans les amphithéâtres ? Pour éviter les révoltes et avoir la paix, les Romains veillaient à fournir au peuple “du pain et des jeux”. Ces “jeux” ne ressemblaient pas aux compétitions sportives des Grecs (les jeux olympiques), c’étaient des spectacles sanglants, et certains intellectuels s’élevaient déjà contre leur cruauté. Dans les grandes villes, ils duraient toute la journée, parfois plusieurs jours. Le matin étaient organisées des chasses : on reconstituait des paysages et on y lâchait des animaux. Des milliers de cerfs, sangliers, renards, ours, lièvres ou taureaux sont ainsi morts dans l’arêne, mais aussi des animaux exotiques : lions, panthères, rhinocéros, éléphants... Cependant, ces derniers coûtaient si cher qu’on préférait les réserver à des combats plus spectaculaires, et les opposer entre eux ou à des gladiateurs. On en gardait aussi un certain nombre en vie pour les exhiber, comme aujourd’hui au cirque. Les importations de bêtes sauvages pour l’arêne étaient si importantes qu’elles ont causé la disparition totale, dans des régions où ils vivaient encore, d’animaux comme le lion (en Asie mineure), l’éléphant (en Afrique du Nord) ou l’hippopotame (en Basse-Egypte). À l’heure de midi, on venait sympathiquement voir les condamnés à mort se faire dévorer par des fauves. Comment se déroulaient les combats de gladiateurs ? Ils ont varié selon les époques, le public et l’endroit. Les gladiateurs se contentaient parfois de donner un bon spectacle en économisant les vies mais, souvent, ils étaient obligés de combattre jusqu’à la mort. Dans le “duel sans fin”, le vaincu était même immédiatement remplacé par un autre gladiateur, et on assistait alors à une véritable hécatombe, des dizaines de gladiateurs périssant chaque jour. Le plus souvent, la mise à mort était laissée à l’appréciation du public, qui se prononçait sur le sort du vaincu en criant “renvoie-le” ou “égorge-le”. Celui qui finançait les jeux levait alors son pouce pour le laisser en vie ou le baissait pour que son vainqueur l’achève. Pour lui, faire exécuter le perdant était une preuve de générosité, car il devait dédommager le lanista (l’entrepreneur de spectacle) de la perte de son homme. Certains gladiateurs étaient lourdement armés comme l’hoplomaque ou le mirmillon, d’autres beaucoup plus légèrement (le rétiaire). On trouvait aussi le secutor, le Thrace, le provocator, l’andebate (qui combattait yeux bandés), l’essédaire (sur un char, avec un conducteur)… Les gladiateurs étaient assez mal considérés, ce qui n’empêchait pas qu’ils aient un gros succès auprès des femmes, même des classes supérieures. |